Travailler son hospitalité plutôt que son volume touristique sur sa destination
Avec la saison estivale, fleurie le lot de communiqué de presse mettant l’accent sur la bonne fréquentation des destinations touristiques, que la filière a retrouvé ses bons chiffres d’avant-covid et même parfois va signer une hausse de fréquentation surement due au bon travail publicitaire fait à coup de milliers d’euros pour passer après Stade 2 sur France Télévisions ou sur CNews avant un énième éternel débat sur « Faut-il autoriser le port d’armes dans les maternelles en France » ou « pour ou contre la canicule en été ». Si la publicité à la télévision ne suffit pas, il y a aussi les évènements qui dans les plans d’action touristiques font bonne figure. Parce que le début d’été est marqué par le Tour de France et sa capacité à marquer les esprits par ses villes-étapes que le public reconnait forcément des années après leur médiatisation d’un jour ou la possibilité de faire comme la dizaine de festivals à portée nationale et internationale du mois de juillet qui donnent l’envie à certaines destinations de s’inventer en haut lieu de la musique en tout genre pour briller aux yeux du saint public archifan qui forcément ne loupera jamais la nouvelle tournée de Jean Pierre François que le conseil d’administration de l’Office de Tourisme a validé parce que l’un de ses membres le connait bien car son cousin a joué au football avec lui quand ils avaient 15 ans.
Mais quel cynisme me direz-vous ? Oui, je l’avoue mais pas totalement. À vouloir faire comme son voisin, combien de concerts ont été annulés ces derniers jours faute de trouver des professionnels pour monter des scènes et assurer des prestations techniques à la hauteur des cahiers des charges envoyés par les maisons de productions ?
Si l’on fait des évènements, cela doit avoir un but, le premier serait d’être le point de convergence du développement d’une ou de plusieurs activités au sein même du territoire. Si l’on veut développer le vélo sur le territoire, on va chercher des compétitions nationales du type Trophée Nationale des Jeunes Vettetistes qui vont structurer ou mettre en valeur les infrastructures du territoire, les parcours, les tracés accessibles tout le reste de l’année. Si l’on veut faire de la musique, peut-être s’inscrire dans une programmation annuelle qui profiterait autant aux visiteurs qu’aux locaux pour démontrer la sensibilité culturelle que le territoire souhaite avoir auprès de ses différents publics.
Bref, tout cela doit s’inscrire dans un plan de développement qui va plus loin qu’un simple One-shot trop souvent couteux et avec des répercutions au mieux économiques à court-terme sans imaginer l’impact sociétal de sa durabilité.
Ceci nous amène au sujet principal, quelle est la place de l’hospitalité dans un schéma un peu trop centré sur le développement économique du tourisme ?
On adore parler de fréquentation touristique, volume de touristes, surtourisme parfois même, mais ça fait toujours bien dans les communiqués de presse de montrer qu’on est les premiers en volume en hauteur, mais ça n’en fait toujours pas une valeur touristique. Cela aide à la communication de la destination mais cela n’en fait pas un positionnement de marque et encore moins un facteur clé de succès.
Le tourisme c’est simple, c’est une économie transverse qui va rayonner sur la plupart des composantes d’attractivités d’un territoire (activités, shopping, propreté, évènements, loisirs, héritage culturel…). Il se découpe en quatre éléments structurants :
– Les paysages
– Les infrastructures
– Les communautés locales
– L’accessibilité
Le taux de fréquentation n’y figure pas. Par contre les communautés locales oui. Et çà, ça change tout, car quand on est visiteur on veut vivre comme un local, trouver les bons restaurants, avoir les bonnes adresses, pratiquer les activités, etc.
Et pour cela on a besoin de conseil, de services qui les proposent, d’accueils sympathiques qui nous emmèneront à transformer d’un état de consommation à l’expérience vécue ou bien même à la transformation.
Sans parler économie de l’expérience, pourtant il y a beaucoup à en dire. En Italie, l’ensemble de l’information dans les gares et les trains sont traduits en anglais, dans les restaurants c’est la même chose. Cela fait partie de l’hospitalité, on essaye de mettre le touriste en confiance, en tout cas, qu’il comprenne ce qu’il se passe. Tout démarre par le transport et ils ont montré qu’il n’était pas réservé qu’aux populations locales. Parler la langue du visiteur est quand même une marque de respect pour lui, même si ce n’est qu’approximativement.
En Suisse, un chocolat sur le lit d’un hôtel fait partie de la marque de fabrique et c’est une attention qui vaut cher par la suite en termes de fidélité.
Beaucoup d’exemples de travaux sur l’hospitalité existent en France, Fabien Raimbaud en traite certains dans un très bon article fait par la MONA en Nouvelle aquitaine.
L’hospitalité est alors intégrée dans le produit touristique et son service de qualité, non plus comme une option qui vient le compléter.
Un visiteur préférera toujours avoir l’ensemble des informations sur son lieu d’hébergement plutôt que de se déplacer pour lui-même chercher son information. C’est d’ailleurs 66% de l’information touristique qui est donnée par l’hébergeur, ce constat est à travailler et permettra aussi de renforcer le lien entre l’hébergeur et le territoire sur leur complémentarité.
Notre visiteur est en quête d’activité, on lui donne généralement un annuaire des prestataires, le prisme est déformé, à nous de revoir la copie pour le conseil soit de nouveau éclairé, une démarche à piloter et animer par les acteurs institutionnels au travers de leurs plateformes de marketing de destination ou de leur offre d’information digitale ou print, en lien avec les acteurs privés et l’offre qu’ils peuvent exprimer. Tout comme le fait que l’on ne mettra pas les stagiaires ou les nouveaux saisonniers à la place du personnel à forte expertise du territoire aux postes d’accueil dans les offices de tourisme, histoire de montrer toute la capacité du monde institutionnel à prodiguer un conseil éclairé et reconnu. C’est une marque de respect pour le visiteur.
Dans un autre domaine, des actions pour réduire la consommation de CO2 dans l’économie générale vont être menées dans les mois et les années à venir, on prévoit notamment une multiplication du trafic ferroviaire par trois à l’horizon 2050 dans un secteur qui représente 9% des émissions de gaz à effet de serre.
SNCF Italia a déjà commencé sa mue pour faire préférer le voyage en train en proposant un service de repas à table avec menu élaboré, l’époque du sandwich SNCF est révolue. Des services de VTC sont disponibles en ligne au départ des grandes gares, il ne reste plus qu’à régler la problématique du dernier kilomètre et le produit du transport de base évolue avec des services qui mènent à une potentielle expérience du voyage en train.
L’étape d’après est plus compliquée car ce qui différencie l’expérience par rapport au service est les éléments suivants :
– La personnalisation
– La valeur ajoutée émotionnelle
– La mémorabilite ( création de souvenirs )
– La transformation ( passage d’un état à un autre)
« La plupart des gens qui utilisent le terme d’Experience Economy ne parlent pas d’évènements mémorables ou d’expériences distinctives. Ils évoquent seulement de bons services. C’est très bien mais cela effleure rarement le niveau de mémorabilité.
Joe Pine
Père de l’Experience Economy
En résumé, montrer au visiteur qu’il est le bienvenu et que les communautés locales font tout pour le mettre en confiance pour optimiser son séjour est l’une des composantes majeures du tourisme actuel.
Ne trouvez-vous pas alors que la satisfaction client est plus importante que son volume ? Ne va-t-elle pas améliorer l’engagement et la notoriété de la destination, donc impacter la marque ? N’a-t-elle pas meilleure capacité à faire préférer la destination ?
Pourtant je sais déjà que fin août, les bilans de fréquentation touristiques des territoires vont fleurir sans même avoir une once d’espoir d’y voir un taux de satisfaction de l’expérience ou encore moins de consommation de CO2 par touriste accueilli…
Il est désormais temps de changer la donne et parler satisfaction plutôt que fréquentation et de définir une stratégie commune pour un accueil à la française qui saura être beaucoup plus reconnue qu’une place de leader mondial en nombre visiteurs que seuls les pratiquants d’un onanisme touristique s’en targueront
Je finirais donc en paraphrasant Grégory Pouy dont je ne peux que vous conseiller de lire le livre « Insoutenable paradis » ou d’écouter le podcast Vlan, « ne me dites pas que vous êtes les meilleurs, faites-le-moi vivre. »
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Cet article a été écrit par François Veauleger