Un autre tourisme est possible- 2ème partie

UN AUTRE TOURISME EST POSSIBLE – 2ème partie

UN MODÈLE SOCIAL QUI NE SÉDUIT PLUS

À l’image des meilleures sagas de l’été tel que Zodiaque, le château des Oliviers ou Châteauvallon, nous vous proposons une minisérie en trois parties qui vous tiendra en haleine sur la thématique d’un autre tourisme. Bonne lecture.

« Il n’y a pas à dire, les vacances c’est sympa, les gens sont sympas, le cadre est magnifique. Ils en ont de la chance de vivre toute l’année dans un endroit pareil… »

Si l’on devait imager le Tourisme moderne, il serait l’iceberg qui coula le Titanic et cette phrase en serait la partie visible. Mais en profondeur, le tourisme ce n’est pas vraiment cela. On limite sa vision à une simple économie. Si l’on reconnaît déjà que le tourisme en est une. C’est tellement intangible que comprendre qu’une économie peut être transverse est assez compliqué à percevoir.

Donc on a une économie, c’est bien, on est bien avancé. Mais pour faire tourner les moteurs d’une économie, il faut de l’énergie…du carburant (c’est à la mode en ce moment). L’énergie dans le Tourisme, ce sont des hommes et des femmes formés ou non pour faire vivre des expériences aux visiteurs.

Qu’ils soient cuisiniers, conseillers en séjour, prestataires d’activités ou personnels d’entretien, chacun œuvre à créer un séjour qui aura pour but de fabriquer des souvenirs pour ceux qui en seront les visiteurs.

Mais pour aller plus loin et donner plus de technicité à cet argumentaire, il faut revenir en 2007. Lorsque Eric Maurence crée une matrice expliquant l’intérêt des évènements sur un territoire.

Eric Maurence, d’après John Compton repris par Yann Nicolas – Un autre tourisme est possible

UNE ÉCONOMIE LOCALE CIRCULAIRE

Cette matrice est, en fait, aussi valable pour le Tourisme au sein d’un territoire. L’activité touristique a besoin de fournisseurs et des prestataires qui œuvrent pour des visiteurs qui dépensent de l’argent sur place. Ces acteurs économiques sont aussi des foyers et des ménages salariés ou à leur compte qui d’un côté génèrent du chiffre d’affaires. Mais aussi de la fiscalité.

De ce dernier point, les communes touristiques en tirent de nouvelles ressources financières. Elle les réinjecte pour continuer à développer son territoire. De base, cette économie, associée à son tissu social, pourrait nous laisser croire qu’elle est circulaire et que tout va bien. Si tout cela reste véritablement bien au sein du territoire.

Car le trésor est quand même gros et que beaucoup d’acteurs ont bien compris le système pour utiliser les ressources du territoire et percevoir les recettes en dehors.   

Il nous manque donc un paramètre important de notre équation : le principe de ressource et de dépenses.

C’est-à-dire, percevoir un flux touristique avec son impact territorial.

Par exemple, des visiteurs hors territoires viennent dépenser sur le territoire. Cela crée une injection de la ressource humaine (le visiteur sur place), environnementale (la gestion de ses déchets), et financier (l’économie que le visiteur génère).

DES RESSOURCES ET DES DÉPENSES

A contrario, des ressources du territoire qui sont dépensées hors territoire deviennent une fuite. Un grand évènement cycliste que le territoire finance, mais qu’il n’a pas la capacité d’absorber seul. Ses flux seront alors dilués naturellement dans un rayon autour du territoire investisseur. C’est en cela qu’il devient une fuite de ressources.

Dernier cas important des ressources internes au territoire qui dépensent dans le territoire, créées par une redistribution. Dans le cas d’acteurs touristiques, c’est le dernier cas qui nous intéresse. Un moniteur de ski qui travaille sur son territoire, où vit son foyer et qui dépense en local créé une richesse économique pour les acteurs au même titre que lui et fiscal pour sa collectivité.

Notre vision du Tourisme ne se limite trop souvent qu’à l’aspect de l’injection de visiteurs sans vouloir regarder l’importance des flux créer au sein même du territoire par les acteurs eux-mêmes.

C’est une explication technique, mais malheureusement réaliste. Le principe même d’un écosystème est qu’il vit dans un périmètre défini avec ses ressources internes. Mais aussi qui interagit avec des organismes extérieurs. C’est de la biologie de base en fin de compte. Chaque organisme apporte une richesse au sein de son écosystème qui l’alimente continuellement ou ponctuellement. Maintenant reste à savoir si le ponctuel ne cannibalise pas le continuel au point de déstabiliser l’écosystème.

UN FONCTIONNEMENT EN ÉCOSYSTÈME

Cet écosystème se transforme continuellement et nécessite d’adapter son management à ces changements. Les militaires ont développé un modèle appelé VUCA qui est l’acronyme de volatilité, incertitude, complexité et ambiguïté. Il décrit une situation de changement constant et imprévisible qui est désormais la norme dans certains secteurs et domaines du monde des affaires et des entreprises.

Notre problème n’est pas encore résolu, car l’équation peut encore être complexifiée par un autre variable : les saisons.

Nous avons besoin d’offrir des services aux visiteurs suivant des pics de fréquentation souvent basés en période hivernale pour certains territoires et estivale pour d’autres. Certains même dans les deux. Un schéma érigé dans les années soixante par l’investissement massif d’une politique touristique nationale.

Selon cette logique de saison, on embauche pour une période et l’on débauche pour le reste de l’année. On va avoir du mal à créer des revenus annuels pour nos ménages. Donc en haute saison, notre besoin de service devient plutôt de la servitude pour les acteurs embauchés dans une temporalité trop souvent liée aux aléas climatiques. Le reste du temps , c’est le no mans land.

Un hiver dure entre 3 et 5 mois d’activité et un été de 2 mois en étant large. Le reste, les acteurs privés et institutionnels ne sont pas d’accord sur leur importance et appelleront ça des ailes de saison. Ce sont parfois de très grandes ailes…

Donc au total, une activité qui varie entre 12 et 28 semaines (entre 3 mois et 7 mois) qui elles-mêmes varieront suivant la haute, moyenne et basse saison. Ça n’est pas facile d’écrire une promesse d’embauche ni à donner du sens au travail dans « l’économie touristique ».

Et c’est sans parler de la problématique du logement saisonnier.

En tout cas, la promesse de l’emploi dans le Tourisme saisonnier est floue. Heureusement, le cadre est magnifique.

HÉDONISME ET COVID

Dans un monde où l’on ne souhaite plus affronter les contraintes, l’hédonisme est de mise. La postmodernité nous apporte avec elle un nouveau comportement de consommation du travail. Pourquoi se faire mal ? Pourquoi s’embêter ? Nous sommes plus dans un contexte comme l’ont connu nos parents et grands-parents ou le travail devait occuper 2/3 de notre temps. Leur modernité était représentée par les valeurs induites au Travail, à la construction d’un futur et à la notion de verticalité de la société. Ce modèle a évolué vers une postmodernité axée sur les valeurs de présentisme, l’hédonisme et le regroupement par communauté.

On veut profiter de la vie et nous avons grandi dans une accessibilité toujours plus simplifiée des loisirs.

La mondialisation a apporté aussi une libéralisation du travail et le COVID une pratique à distance dont la généralisation était impensable quelques temps auparavant. Ce COVID a aussi exacerbé cet hédonisme. Le monde se délite, profitons tant qu’on le peut. Tempus fugit, carpe diem…

Il est donc normal que la manière de voir le travail soit différente désormais, mais ce n’est pas que ça. Car ce tourisme, qui a été poussé à l’état industriel à partir de 1960 pour offrir à la population des loisirs et des vacances pour mieux revenir à l’usine, a été poussé dans une hypersaisonnalité qui nécessite d’exploiter des ressources sur des temps très courts, donc intensément. D’où cette petite phrase peut être passée précédemment inaperçue : on confond souvent service avec servitude.

UN PROBLÈME DE SAISON

C’est-à-dire que, vivre dans un endroit magnifique, mais y travailler 6 jours sur 7 sur des plages horaires trop élargies. Avec pour seul but inavoué, faire toujours plus de profit sur une période toujours plus courte, ne soulève plus vraiment les foules. Surtout dans ces nouvelles générations…

Le cadre est beau, mais on n’a pas le temps d’en profiter…déjà que la promesse est floue. Ce n’est pas le salaire qui changera l’équation puisqu’il n’est qu’une part infime d’une équation très complexe. C’est le modèle entier qui est remis en cause.

De la formation continue comme le prône l’état, des salaires décents, des logements saisonniers se sont des éléments d’une réponse qui est beaucoup plus large pour répondre à un modèle social qui demande à vivre sur sa destination. Il faut en profiter et rendre son économie circulaire, donc de donner de la sécurité à son foyer.

La saison ne doit plus être un frein et le visiteur a depuis longtemps dépassé l’acte d’ouverture et de fermeture de ces stations (balnéaires comme de sports d’hiver). Surtout à une époque où la (re)connexion à la nature devient une valeur primordiale dans l’acte touristique. Associé à une valeur de responsabilité aussi qui tient de l’impact climatique et environnemental de son séjour.

UN MODÈLE DE DURABILITÉ QUI ÉVOLUE

Le modèle de durabilité passe désormais de l’équilibre Économie-Social-Environnemental vers une un nouveau marketing de la durabilité composé d’un trio de stratégie : People-Profit-Planet.

Mais comme le disait Conan (Arnold Schwarzenegger avant d’être gouverneur de Californie pour les plus jeunes), ceci est une autre histoire (que l’on développera dans le troisième article)


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Cet article a été écrit par François Veauleger et amicalement pimpé par Gregory Guzzo